top of page

Accueillons les ancêtres pour nourrir les pratiques de soin

Poursuivons et élargissons une recherche collective et un cercle de réflexion sur les héritages dont nous disposons pour construire de nouveaux mondes sur les ruines brûlantes laissées par les Modernes, des mondes habitables où émergent des collectifs où l’on prend soin les uns des autres

image001.jpg

Les dépôts des ancêtres d’ici et d’ailleurs constituent autant de fils précieux dans la trousse de ravaudage du monde abimé, et dans la confection de nouveaux mondes. Encore faut-il qu’ils soient transmis, validés en dépit de leur disqualification comme « archaïques » par les Modernes (au sens ou Bruno Latour utilisait ce mot), et mis en œuvre dans la formation de collectifs où l’on soigne et prend soin.

Une recherche se poursuit pour cette transmission et pour nouer une alliance entre les ressources de l’intelligence collective dans des quartiers multiculturels à faibles revenus et des intervenants psycho-médicosociaux. 

Dans le cadre d’un projet PCI (Promotion de la Citoyenneté et de l’Interculturalité FWB) conçu par Agenc’MondeS ASBL, et mis en œuvre avec Le Grain ASBL et la Haute École ISFSC, sept étudiantes en 2e année Bachelier Assistant Social, aux ancêtres du Maroc et de Turquie, ont enquêté à la découverte de pratiques dans des quartiers bruxellois, et en ont fait le récit des façons de faire, de leurs effets et des liens qu’ils nouent. 

L’une s’est adressée à sa grand-mère, une autre à sa voisine d’origine marocaine, une troisième à deux dames nonagénaires aux ancêtres belges et à sa grand-mère, la quatrième à son père (tiens ! un homme !) et à sa sœur, la cinquième à une amie de sa tante, la sixième s’est basée sur des souvenirs familiaux, comme la septième. 

Une recherche collective et un cercle de réflexion ont été organisés le 22 juin 2023, qui se veut un moment d’une pensée en processus, à laquelle vous êtes appelé à contribuer. 

Les étudiantes-chercheuses y ont fait chacune le récit de leur enquête, qui décrivent des pratiques de soins variées. Certaines relèvent de « recettes de grands-mères » au sens propre de l’expression et basées sur des savoirs empiriques utilisant des produits de la terre (comme « les compresses de loukoums »). D’autres mettent en acte une similitude matérielle avec le mal à soigner, pour « l’apprivoiser » (comme l’œuf que l’on casse sur le ventre souffrant de menstrues douloureuse et que l’on recouvre d’une bouillotte). Une autre raconte comment des femmes âgées au Maroc et en Wallonie traitent les poux des enfants pour éviter qu’ils soient stigmatisés et en transformant les soins en jeu amusant qui renforce les liens. Une autre s’inscrit dans les pratiques, dont existent de nombreuses variantes culturelles, pour traiter les verrues par similitude entre la décomposition d’une matière organique et la disparition progressive de la verrue. Une pratique de saignée, très répandue

aujourd’hui à Bruxelles, se réfère à la « médecine prophétique ». Puis viennent deux récits qui ouvrent chacun à des univers culturels et spirituels, celui du mauvais œil qui a touché un bébé et dont il s’agit de calmer les pleurs, et celui de la possession par des êtres entrés par la béance d’une frayeur et dont il s’agit de contrer les effets négatifs. Ces deux derniers récits, dont ricaneraient des Modernes comme de « superstitions archaïques », ouvrent au contraire sur des logiques de pensée cohérentes et des pratiques efficaces, qui peuvent entrer en apprentissage mutuel avec, par exemple, les moyens contemporains de contrer les effets de traumatismes.

Leurs récits de leurs enquêtes ont été commentés et débattu par des intervenants dans le champ des mondes contemporains de la guérison (Hamid Salmi, Reza Kazemzadeh, Olivier Ralet), débattus avec des travailleurs dans les quartiers concernés (assistants sociaux, soignants, psychiatres, psychologues…), et enrichis par des témoignages d’héritiers actifs du dépôt de leurs ancêtres, qui en nourrissent leurs pratiques (du potager urbain à l’accueil des migrants…). 

La réflexion s’est élargie à « L’accueil des ancêtres pour construire les mondes à venir ». 

Les participants ont expérimenté un dispositif de médiation interculturelle pour la transmission des héritages et leurs agencements aux pratiques collectives et aux soins communautaires. Les débats, aussi passionnants qu’animés, dessinent les contours d’une alliance, pour réparer ce monde abîmé, entre les cultures populaires surtout féminines et des courants de savoirs contemporains échappant aux dictats de la pensée moderne, comme les approches ethnopsy, systémiques et anthropologiques, et comme ce qu’amènent les pratiques et pensées de ces intervenants de terrain. 

Ces échanges ont laissé un goût de trop peu, n’ayant duré qu’un après-midi, alors qu’ils méritaient beaucoup plus. Comblons ce manque avec vous, à travers ce site d’abord, et dans des rencontres à venir.

Le très regretté Bruno Latour (1947-2022), dont la pensée irrigue les échanges, opposait les « extracteurs », qui exploitent, aux « ravaudeurs », qui réparent le sol où l’on vit.

Devenons ravaudeurs d’une Terre abîmée ! 

Vous trouverez dans le PDF le compte-rendu de la rencontre du 22 juin, et en annexe quatre récits personnels d’héritiers actifs du dépôt de leurs ancêtres. 

Poursuivons ensemble ces échanges, pour que de la fin d’un monde émerge des mondes à venir, où l’on prend soin les uns des autres !

logo.webp
pci_logo.png
bottom of page